« La vieille gitane pleure son fils assassiné lors d’un règlement de comptes. Depuis dans le ciel, chaque soir, elle guette cette nouvelle étoile ajoutée dans la constellation. Elle sait son fils là. Pour la veiller de loin. Alors seulement, juste après, elle peut rentrer dans sa caravane, et peut-être trouver le sommeil. Son petit-fils vengera-t-il son père « quand il aura des grandes chaussures » comme il l’a dit le jour des obsèques ?
Sur le feu de bois à proximité des caravanes, dans une marmite, le ragout de hérisson aillé mijote. La femme l’emportera en douce à son mari. Le pauvre homme ne mange plus. La nourriture est si mauvaise à l’hôpital.
Kali danse, frappe dans ses mains, tape ses pieds sur le sol, radieuse. Elle a 3 ans et esquisse quelques pas de danse pour faire tourner sa nouvelle robe à volants achetée au marché.
La jeune femme sans papiers m’invite à partager son repas. Ses mains s’agitent, elle mélange, travaille les ingrédients, façonne les boulettes. Avec les paumes de ses mains, elle les roule, les aplatit, et les jette dans une poêle huile. Bruits et crépitements, l’huile frémit. Odeurs épicées.
A table, à partager ensemble, son beureg (feuilleté aux fromages), les imam baylde (aubergines farcies à l’oignon), les Keuftes de viande, mais aussi en vrac quelques recettes de son pays, sa famille restée là-bas, l’absence de nouvelles, ses rêves et ses projets. »